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Une photo de deux interrupteurs avec un autocollant représentant une usine émettant du CO2 au-dessus d'eux.

Le système 1 et le système 2

Chaque être humain possède deux modes de pensée (ou « systèmes ») qui interviennent dans la réception, l’analyse et la prise de décision de l’information, qu’elle soit visuelle ou verbale. En 1977, Shiffrin et Schneider ont identifié ces deux systèmes comme le système 1, également connu sous le nom de système automatique, et le système 2, le système réfléchi.

  • Système 1 : automatique, sans effort, rapide, involontaire, intuitif, associatif, émotionnel, basé sur l’habitude, biaisé
  • Système 2 : contrôlé, avec effort, demandant de la concentration, lent, respectueux des règles (sociales, morales, légales, etc.), réfléchi, analytique

Le système 1 permet de minimiser l’effort intellectuel et d’économiser de l’énergie, tandis que le système 2 vise à améliorer les performances. Selon différents facteurs tels que le temps disponible, la capacité de concentration, le format de l’information, les connaissances et les compétences, l’un de ces deux systèmes sera privilégié. Par exemple, lorsque quelqu’un achète une voiture sous pression avec peu de temps et une concentration réduite, il aura tendance à baser sa décision sur des informations automatiques et superficielles, comme la couleur ou le design,. Dans ce cas, le système 1 sera utilisé. En revanche, s’il dispose de temps et de ressources pour se concentrer et réfléchir, il prendra en compte des aspects tels que la consommation ou l’autonomie du véhicule, en utilisant le système 2.

Parfois, les deux systèmes travaillent en tandem, comme lorsque vous marchez et discutez avec un ami. Souvent, le système 1 est influencé par le système 2. Par exemple, vous apprenez à trier vos déchets grâce au système 2 et, une fois cette compétence acquise, vous la mettez automatiquement en pratique grâce au système 1.

Le système 1 est celui qui est le plus fréquemment utilisé, mais il nous expose également à des biais cognitifs. Ces derniers sont des raccourcis mentaux auxquels nous avons recours afin d’économiser du temps, des ressources cognitives et de l’énergie. Le système 1 se base sur notre expérience, nos attentes et notre reconnaissance de la situation et, étant automatique, il peut nous conduire à ignorer certains éléments et à commettre des erreurs dans des situations similaires ou prévisibles. Pour éviter ces erreurs, il est important de stimuler le système 2, qui va au-delà du système 1.

Mais le système 2 a aussi ses limites et peut être surchargé d’informations. Bien qu’il respecte les règles (sociales, morales, légales, etc.), il peut prendre un nombre limité de décisions, ce qui peut entraîner des choix peu réfléchis. Par exemple, après une longue journée de travail, la fatigue entrave votre système 2, qui n’aura plus la capacité d’opter rationnellement pour une séance de sport.

L’importance accordée à l’utilisation du système 1 ou du système 2 dépendra donc du contexte décisionnel. Les communications, en fonction de leur format et message, peuvent faire appel à l’un de ces deux systèmes.

 

Lectures utiles

L’invention du concept de système 1 et 2 :
Shiffrin R.M. et Schneider W. (1977),
https://psycnet.apa.org/record/1977-24785-001

Le développement du concept :
Kahneman D. (2011),
http://103.62.146.201:8081/jspui/bitstream/1/9487/1/Thinking%2C%20Fast%20and%20Slow.pdf

Les normes sociales

Les normes sociales jouent un rôle important dans nos comportements. Nous avons tendance à imiter les autres pour être inclus dans le groupe et éviter l’exclusion. Bien que cette tendance n’ait plus le caractère vital qu’elle revêtait dans le passé, elle reste ancrée dans nos comportements.

Il existe deux types de normes sociales principaux. Les normes injonctives définissent ce que les autres ou la société attendent de nous. Par exemple, nous savons qu’il est attendu de nous de ne pas jeter nos déchets par terre. Les normes descriptives se réfèrent aux comportements observés chez les autres, montrant comment ils agissent plutôt que ce qu’ils pensent. Par exemple, si nous voyons des gens ramasser des déchets par terre, nous comprenons qu’il est possible et recommandé de faire de même.

En matière de communication, les normes sociales sont l’une des méthodes les plus efficaces pour stimuler l’action. Cela se traduit par des messages légèrement différents selon le type de norme. Une norme injonctive pourrait être formulée comme suit : « La majorité de la population considère que réduire l’utilisation de l’avion est nécessaire et bénéfique ». Une norme descriptive dirait plutôt : « La majorité de la population a réduit ou réduit son utilisation de l’avion ».

L’objectif est d’aligner ces deux types de normes lorsqu’elles coexistent. Cependant, un effet inhibiteur peut apparaître lorsque la norme descriptive ne suit pas la norme injonctive. Par exemple, si un message est formulé ainsi : « Trop de voisins ne recyclent pas leurs déchets. Recyclez les vôtres ! », le public comprendra que la norme descriptive est de ne pas respecter la norme injonctive, ce qui l’incitera à ne pas recycler. Il serait préférable de formuler le message de cette manière : « La majorité de vos voisins recycle. Si vous ne le faites pas encore, rejoignez-les ! ». S’il n’y a pas encore de majorité, on parlera de tendance : « De plus en plus de vos voisins recyclent depuis 2 ans. Rejoignez le mouvement ! ». Ces normes dites « dynamiques » sont particulièrement utiles lorsque les chiffres à votre disposition sont bas.

 

Lectures utiles

L’utilisation des normes sociales pour les actions climatiques :
Constantino M. et al. (2022),
https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/15291006221105279?journalCode=psia

La création d’une norme anti-énergie fossile :
Collins S. (2023),
https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1470594X231156930

L’utilisation des normes sociales pour pousser les gens à devenir pro-environnementaux :
Nolan J. (2021),
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2352250X21000701

L’architecture du choix

L’architecture du choix se réfère à la mise en place intentionnelle d'un environnement spécifique pour influencer les décisions des individus en les incitant à faire des choix alignés avec ce que l’on attend d’eux. Cela implique de façonner les informations, les options et les incitations, de manière à faciliter les décisions souhaitées. Cela inclut les nudges, sans pour autant s’y limiter. 

Parmi les exemples de changements de l’architecture du choix, y compris des nudges, citons :

  • Le placement de l’option encouragée en première ou dernière position : les informations présentées en première et en dernière positions seront généralement plus ancrées en mémoire.
  • La reformulation des informations : par exemple, informer les individus qu’ils ont 80 % de chance de gagner sera plus encourageant que de leur annoncer qu’ils ont 20 % de chance de perdre.
  • La présélection d’un choix par défaut : si l’option choisie par défaut ne convient pas au public, ce dernier n’a d’autre choix que d’activement changer de choix. Cette barrière semble surmontable, mais dans la plupart des cas, le biais du statu quo fait que nous avons tendance à maintenir un choix déjà effectué pour nous. Par exemple, faire du menu végétarien l’option par défaut peut contribuer à réduire la quantité de viande vendue en restaurant ou en cafétéria, tout simplement parce que la plupart des consommateurs ne fera pas l’effort de demander de la viande.
  • La réduction du nombre d’options est aussi importante. S’il y a plus de 6 options, le public risque d’être dépassé et d’avoir des difficultés à choisir. Le minimalisme a donc du bon. Néanmoins, mieux vaut dans certains cas proposer 3 options plutôt que 2. Faire de la troisième option un leurre permettra de faire apparaître l’option encouragée comme meilleure. Par exemple, un supermarché proposant traditionnellement deux types de portions de saucisses (une petite et une grande) a permis de réduire la quantité totale de viande achetée en introduisant une troisième option (une portion moyenne), les individus ayant l’habitude de prendre la grande portion préférant au final la moyenne.
  • Exploiter les automatismes. Par exemple, formuler les différentes options par écrit, mais influencer le choix de l'individu en inversant les couleurs traditionnellement associées à l’accord (vert) et au désaccord (rouge).

Lors de la conception de votre architecture du choix, il est crucial de garder à l’esprit les systèmes de pensée 1 et 2. Vous pouvez faire appel au système 1, rapide et parfois biaisé, en utilisant des options qui suscitent des émotions ou des jugements rapides, simplifiant ainsi le processus. Ou bien vous pouvez stimuler le système 2 pour encourager la réflexion et le choix de manière réfléchie, afin que cela serve de référence pour les décisions futures.

Il est également important de répéter ou de modifier fréquemment votre architecture pour éviter que les individus ne se lassent et que les effets ne diminuent.

Cependant, il est essentiel de rester éthique. Les individus doivent toujours avoir le choix et l’occasion de réfléchir. Il est par ailleurs parfois préférable de les informer qu’ils sont soumis à des nudges (sans que cela compromette pour autant l’effet de vos initiatives).

 

Lectures utiles

Apprendre à connaître les gens et construire des choix qui leur permettront de mieux choisir :
Thaler R.H. et Sunstein C.R. (2008),
https://psycnet.apa.org/record/2008-03730-000

Revue des différentes terminologies et techniques de l’architecture du choix :
Münscher R., Vetter M. et Scheurle T. (2015),
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/bdm.1897

Les choix qui nudgent :
Lin Y., Osman M., Harris A. J. L. et Read D. (2018),
https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Fxap0000183

Recommandations pour une alimentation respectueuse de l’environnement :
Rubens K., Neven L. et Jonckheere J. (2021),
https://www.gezondleven.be/files/Background-food-and-environment-EN.pdf

L'aversion à la perte

L’aversion à la perte, concept issu de la théorie des perspectives, est notre tendance naturelle à être plus affectés émotionnellement par les pertes que par les gains. Par exemple, une perte de cinquante euros nous affecte plus qu’un gain de cinquante euros. L’information relative à la perte attirera aussi l’attention de manière automatique, et ce, plus que l’information relative aux gains.

Le défi inhérent au changement climatique réside dans le fait que des efforts sont nécessaires immédiatement pour réduire des pertes qui semblent lointaines et parfois incertaines. Ces dernières sont donc rarement impactantes sur le moment. De plus, de peur de « perdre », les individus peuvent par exemple être réfractaires à l’achat de nouvelles technologies et préférer celles qui sont déjà établies sur le marché, d’autant plus si les coûts initiaux sont importants.

Pour contrer ce frein et encourager l’action climatique, il est crucial de mettre l’accent sur les conséquences négatives de l’inaction. Plutôt que de simplement promouvoir les avantages des comportements respectueux de l’environnement, il est important de souligner les pertes qui surviendraient si des mesures ne sont pas prises, si les nouvelles technologies ne sont pas adoptées et si les bons comportements ne sont pas mis en place. Ces pertes doivent être rendues tangibles pour les individus, qu’elles soient financières, liées au confort ou au mode de vie. Cela peut se traduire concrètement par le fait d’informer les individus que l’absence d’isolation thermique, le maintien de véhicules polluants ou l’absence de compteurs intelligents entraînera des pertes financières significatives.

Il est également important de montrer que le réchauffement climatique entraînera la perte de la biodiversité locale ou de lieux de détente tels que des lacs. Cela peut par exemple se faire en installant des panneaux informatifs sur les lieux les plus susceptibles de souffrir de la crise climatique. Une autre manière de visualiser les pertes potentielles en l’absence de changement de nos comportements, serait de dessiner des marquages au sol montrant le futur niveau de la mer dans une cité balnéaire.

D’un point de vue contextuel, dans le but d’inciter au changement, il est aussi utile d’étaler certains paiements pour que l’achat d’outils et les investissements écologiques ne soient pas perçus comme des pertes financières trop importantes. Cela peut aussi inclure la mise en place d’aides financières à l’achat ou de réductions.

 

Lectures utiles

La théorie des perspectives :
Kahneman D. et Tversky A. (1979),
https://www.jstor.org/stable/1914185?origin=crossref

Les facteurs influençant l’aversion à la perte :
Nagaya K. (2021),
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jpr.12385

L’impact de l’aversion à la perte sur les politiques climatiques et les nouvelles technologies :
Knobloch F., Huijbregts M. A.J. et Mercure J.-F. (2019),
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1364032119306276#bib18

L’aversion à la perte et la mise en place de compteurs électriques intelligents :
Nicolson M., Huebner G. et Shipworth D. (2017),
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214629616302961

L'importance des stimuli

Les rappels et les stimuli jouent un rôle crucial dans le changement de comportement en fournissant des informations et des incitations qui influencent nos actions. Dans le contexte de la promotion de l’action climatique, ils sont utilisés pour faciliter l’adoption de comportements respectueux de l’environnement.

Lorsque nous sommes engagés dans des habitudes automatiques, il peut être difficile de se souvenir du comportement approprié au bon moment. Les rappels et les stimuli contextuels peuvent faciliter l’action en rappelant un comportement passé, en contrecarrant les habitudes et en réduisant l’effort cognitif nécessaire pour adopter le bon comportement. Ils aident également les individus à se rappeler des objectifs qu’ils se sont fixés. Par exemple, des études ont montré que l’envoi quotidien de SMS sur les conséquences de la consommation de viande peut aider les personnes à réduire leur consommation et à atteindre leurs objectifs prédéfinis.

Une autre méthode efficace consiste à permettre aux individus de réfléchir aux rappels et aux stimuli qui leur seraient les plus utiles et de les mettre en œuvre de manière adaptée à leur situation personnelle. Il est en effet plus efficace d’intervenir au plus près du moment et du lieu de l’action. Par exemple, prévoir une alarme sur le téléphone le vendredi matin permet de rappeler aux individus au moment opportun d’éteindre leur chauffage avant de partir en week-end. De manière plus traditionnelle, des autocollants peuvent être placés sur les interrupteurs pour encourager à éteindre les lumières. 

Les stimuli fonctionnent bien pour les petites actions ou tâches liées au climat. Toutefois, il est important de noter qu’ils sont particulièrement utiles pour les personnes qui sont déjà motivées à apporter des changements, et qu’ils doivent être modifiés régulièrement pour éviter l’accoutumance.

 

Lectures utiles

L’efficacité de différentes stratégies comportementales, incluant les rappels et stimuli :
Grilli G. et Curtis J. (2021),
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1364032120303300

L’envoi de rappels pour réduire la consommation de viande :
Carfora V., Catellani P., Caso D. et Conner M. (2019),
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0272494418304596

L’impact des stimuli sur la consommation d’énergie :
Iweka O., Liu S., Shukla A. et Yan D. (2019),
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214629619302853

Contexte

Sur la mise en place d'un contexte favorable pour l'action climatique

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