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Que dit la science sur les fake news ?

Que dit la science sur les fake news ?

Plus nous entendons des informations, plus nous y croyons dur comme fer. En fait, nous continuons à y croire, même s’il s’agit d’informations fausses et que celles-ci font l’objet d’une correction parfaitement crédible. Cette correction n’est pas facile en raison du biais implicite et du biais de confirmation. Mieux vaut-il prévenir de ce fait ? La théorie de la résistance (également appelée « théorie de l’inoculation ») constitue déjà une piste prometteuse.

Une manifestation où plusieurs personnes tiennent une pancarte en l'air. Sur l'une des pancartes, on peut lire "I wish these were fake news"

La puissance de la répétition comme épée à double tranchant

Il ne faut pas sous-estimer la puissance de la répétition. Les recherches sur les médias sociaux montrent que la familiarité est un élément puissant et persuasif. Pennycook, Cannon et Rand décrivent comment l’exposition régulière favorise l'accessibilité de la désinformation dans la mémoire, ce qui donne naissance à un effet « somnolent » où l'information persiste en dépit de la crédibilité de la source. C’est quelque chose que vous pouvez également observer dans les méthodes de propagande comme le « firehose of falsehood », où la répétition constitue l’un des moyens les plus efficaces de faire accepter la désinformation aux individus.

Plus les individus rencontrent de fausses informations sans qu’elles ne soient contestées, plus les informations fausses semblent vraies et plus elles persistent. Même lorsqu’une source est identifiée comme non fiable ou est clairement fausse ou incompatible avec l'idéologie des individus, une exposition répétée à ces informations fait tout de même en sorte que les individus vont croire ces déclarations. « L'effet d'influence continue » fait que nous continuons à faire confiance à de fausses informations, même après avoir été confrontés à une correction parfaitement crédible.

Le fact-checking (ou vérification des faits) peut diminuer la croyance en de fausses informations. Toutefois, sous l'effet d’influence continue, les fausses informations continuent à influencer la pensée des individus, même après qu’elles ont fait l’objet d’une correction et été acceptées. Même lorsqu’une correction de fait semble efficace (parce que les individus le reconnaissent et qu’il est clair qu’ils ont revu leurs croyances), les individus font souvent confiance aux fausses informations dans d’autres contextes.

Il n’existe aucun consensus scientifique sur la meilleure stratégie à appliquer pour limiter l’effet d’influence continue.

Malgré la correction, les individus restent soumis à des mécanismes psychologiques comme l’effet du messager (est-ce que je crois la source ?), le biais de confirmation (est-ce cohérent avec ce que je croyais déjà ?) et le comportement grégaire (les autres le croient-ils aussi ?).

Les corrections pointant l'inexactitude des informations augmentent nécessairement leur notoriété à cause de la répétition. Il y a une dizaine d’années, on déconseillait encore expressément de répéter de fausses informations par peur que ce soit contre-productif ou que la répétition n’augmente la croyance dans ces fausses informations (le fameux effet de retour de flamme). Cependant, les études récentes n'ont trouvé aucune preuve de cela. Dans l’ouvrage Debunking handbook (2020), John Cook et Stephan Lewandowsky ont explicitement révisé leur publication de 2011. On peut tout à fait réfuter ou corriger de fausses informations sur le climat, même si cela veut dire que vous devez répéter ces fausses informations afin de pouvoir les réfuter. Évitez toutefois de le faire à de multiples occasions et ne mettez pas en avant de la désinformation qui ne soit pas d’actualité. Ayez également conscience que la réfutation peut renforcer le cadre de celui qui répand les fausses informations. Choisissez donc votre propre cadre et servez-vous-en de façon répétitive tout au long de votre argumentation.

Vous pouvez aussi choisir de faire prendre conscience au groupe cible de l’effet d’influence continue lui-même.

 

Lectures utiles

L’impact de l’exposition fréquente à la désinformation :
Pennycook G., Cannon T. D. & Rand D. G. (2018), https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2958246

Étude sur l’effet d’influence continue et la manière de le limiter :
Lewandowsky S., Ecker U.K.H., Seifert C.M., Schwarz N. et Cook J. (2012),
https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1529100612451018

Étude récente sur la gestion de l’effet d’influence continue :
Kan I.P., Pizzonia K.L., Drummey A.B. et Mikkelsen E.J.V. (2021),
https://cognitiveresearchjournal.springeropen.com/articles/10.1186/s41235-021-00335-9

Étude récente sur la manière de gérer l’effet d’influence continue du point de vue de la psychologie de la motivation :
Susmann M.W. et Wegener D.T. (2021),
https://link.springer.com/article/10.3758/s13421-021-01232-8

Étude récente sur l’effet de vérité illusoire :
Hassan A. et Barber S.J. (2021),
https://cognitiveresearchjournal.springeropen.com/articles/10.1186/s41235-021-00301-5

La fragilité de l’identité

Certaines personnes sont plus sensibles à la désinformation. L’utilisation des médias est influencée par différents aspects. Par exemple, les personnes plus instruites ont tendance à avoir un répertoire médiatique plus large que les personnes moins instruites. L'âge détermine également la façon dont les individus consultent les sources médiatiques.

Mais l’utilisation des médias en soi n’est pas une explication suffisante au fait de croire ou non à une théorie du complot. Les recherches montrent que les récits de désinformation s'appuient souvent avec succès sur des idéologies préexistantes, souvent en rapport avec les inégalités ethniques. Les campagnes de désinformation se servent ainsi de « griefs identitaires ». Il peut s’agir de frustrations face à des abus politiques, économiques, religieux ou culturels et/ou d’une faible confiance institutionnelle.

Les campagnes de désinformation se servant de griefs identitaires utilisent le mécanisme du raisonnement motivé et le besoin d’appartenance sociale comme des mécanismes psychologiques.

Le raisonnement motivé renvoie au désir d'éviter des informations ou des croyances discordantes en s’accrochant à des croyances existantes et en se mettant à la recherche d’informations qui les confirment. Le raisonnement motivé est un puissant moteur du cercle vicieux de la désinformation : une fois que l’on possède une certaine croyance – qu’elle soit basée sur des faits, la désinformation ou de fausses informations – on la conserve plus que probablement.

C'est une certaine forme d'auto-justification, où l’on montre une tendance à construire une argumentation dans le sens, par exemple, de la construction et du maintien intact de l'image de soi ou de l'appartenance à un groupe.

Nous avons tendance à répartir les individus que nous connaissons dans des groupes et à les stéréotyper. C’est un phénomène que l’on connaît sous le nom de biais implicite, où l’on exprime une préférence ou une aversion inconsciente selon que des personnes ou des groupes nous ressemblent (ou non). Cialdini a prouvé la puissance du « sentiment d'unité » comme l’un de ses sept principes de la persuasion. Les personnes diffusant de la désinformation jouent facilement là-dessus grâce aux médias sociaux, en faisant en sorte que nous obtenions des informations erronées via notre propre réseau. S’agissant d’un groupe de personnes en qui nous avons confiance, nous prenons les informations qu’ils nous fournissent pour acquises.

Cet effet est renforcé par le biais de confirmation. Ce biais détermine que les utilisateurs sont plus enclins à croire des informations qui se rapprochent davantage de leur propre idéologie et identité sociale, ou des avis dont ils sont déjà convaincus. Tout ce qui ne confirme pas leur propre vision du monde est alors rapidement catalogué comme non pertinent, exagéré, faux ou étiqueté fake news.

Ces fake news se propagent très rapidement sur les réseaux sociaux. Cela s’explique par le fait que nous sommes plus susceptibles de croire les informations partagées par nos amis. Nous partageons alors nous-mêmes plus rapidement ces informations, car il y a de fortes chances que ces informations soutiennent notre propre façon de penser. Les autres sont alors influencés à leur tour et encouragés à partager ce même type d’informations. C’est ainsi qu’un cercle vicieux de fausses informations voit le jour.

Cela peut renforcer les sentiments négatifs à l’égard des personnes « hors-groupe », avec qui on ne s’identifie pas. La polarisation affective, qui se traduit par un sentiment négatif par rapport à l'identité d'un autre groupe, augmente le risque que la désinformation autour de ce groupe s'infiltre. Cela démontre l’importance de (continuer) à impliquer tout le monde dans la transition climatique, et à s’assurer que personne ne se sente exclu.

Afin de réduire l’effet de désinformation, on a besoin d’informations apportant des corrections. Les recherches montrent que les informations apportant des corrections ne doivent pas aller directement à l'encontre de la vision du monde du groupe cible, mais aussi s’appuyer de préférence sur des visuels (graphiques, illustrations…), citer une raison quant au pourquoi de la diffusion de la désinformation et une explication alternative quant à l'événement ou l'information de départ.

La réfutation de fausses informations (ou autrement dit le « debunking ») n’est pas évident. Les individus aiment se conformer face à la pression des pairs et à la pensée du groupe afin de rester un membre accepté du groupe (« ingroup »), mais aussi de se distancier d’autres groupes (ce qu’on qualifiera de « outgroup »). La théorie de l’identité sociale peut expliquer pourquoi les individus s'engagent dans la réduction de la dissonance cognitive et l'auto-justification, et pourquoi le debunking présente peu d’intérêt pour certaines personnes.

Les études montrent que la correction de fausses informations ne change rien à la loyauté envers le groupe avec lequel on s’identifie. Les individus croient certaines informations non pas parce qu’ils sont bêtes, mais parce que cela leur permet d’exprimer leur loyauté envers le groupe auquel ils ont le sentiment d’appartenir. Leur peur d’être rejeté du groupe est plus forte que leur besoin de connaître la vérité. Une stratégie peut donc consister à montrer aux individus que leur besoin d'appartenir à un certain groupe (idéologique) peut tromper leur raison, afin qu'ils soient au moins conscients de l'effet de groupe exercé sur leur façon de penser.

 

Lectures utiles

Les biais cognitifs en cas de sentiment d’incertitude :
Tversky A. et Kahneman D. (1974),
https://www2.psych.ubc.ca/~schaller/Psyc590Readings/TverskyKahneman1974.pdf

Les motivations psychologiques de la désinformation et la résistance face à la correction :
Ecker U.K.H.et al. (2022),
https://www.nature.com/articles/s44159-021-00006-y

Comment la perception aide à contrer la mauvaise perception :
Nyhan B. et Reifler J. (2017),
https://bpb-us-e1.wpmucdn.com/sites.dartmouth.edu/dist/5/2293/files/2021/03/opening-political-mind.pdf

Étude récente sur les biais cognitifs sous-jacents au déclin de vérité :
Matthews L.J. et al. (2022),
https://www.rand.org/pubs/research_reports/RRA112-17.html

Framing, not blaming

Kahneman et Tversky déclarent dans leurs recherches révolutionnaires sur le cadrage : « Les individus qui sont confrontés à un problème de décision et manifestent une préférence claire (1) pourraient avoir une autre préférence dans un autre cadrage du même problème, (2) ne sont en principe pas conscients des cadres alternatifs ni de leurs éventuels effets sur l'attractivité relative des options, (3) aimeraient que leurs préférences soient indépendantes du cadre, mais (4) ne savent souvent pas comment résoudre les incohérences détectées. »

Nous utilisons le terme cadrage (ou « framing ») pour nous référer au processus de contextualisation ou de mise en perspective. Informations, événements, personnes... Tout est placé dans un schéma interprétatif. On peut créer du sens en accentuant ou en omettant certains détails de façon sélective, ce qui conduira à comprendre la réalité d'une manière différente. C’est pourquoi le cadrage représente un domaine important afin d’obtenir un soutien pour la politique climatique.

Il ne s’agit pas seulement d’un moyen de renforcer les messages sur le changement climatique. Le cadrage offre également une bonne base afin de pouvoir dialoguer avec différents types de personnes, en tenant compte de leurs différentes valeurs, croyances, idéologies et identités.

En tant que concept constructiviste, il aide à comprendre différentes réalités sociales liées au changement climatique. Les cadres les plus fréquents de la communication sur le climat sont scientifiques, économiques et environnementaux. D’autres cadres/perspectives sont la santé publique, les catastrophes et la morale ou l'éthique. En fonction de la perspective que vous adoptez, et notamment si celle-ci est positive ou négative, vous obtenez des préférences différentes en matière de solutions.

En substance, il ne s'agit pas de ce qui est communiqué, mais de la manière dont cela est communiqué. Le cadrage d’une action influence parfois la façon dont nous expérimentons le résultat. Par exemple, lors de la présentation d'une solution climatique, la question « que vais-je ressentir après le déploiement de cette action climatique ? (expérience future) au lieu de « qu'est-ce que je veux maintenant ? » (expérience hédoniste) peut mener à d’autres actions.

En manipulant délibérément les cadres, on peut aussi contrôler et influencer les attitudes et les points de vue. Les hommes et les femmes politiques se servent par exemple des cadres pour influencer le comportement des électeurs.

Ces cadres sont pertinents pour la diffusion de désinformation. Ils ne sont pas uniquement utilisés pour façonner les attitudes, mais aussi pour brouiller délibérément la frontière entre faits et opinions ou jeter le doute sur la crédibilité de faits ou d'institutions spécifiques. L'émergence de plusieurs récits concurrents portant sur une même question alimente encore davantage le désaccord sur les faits. Cela fournit le terrain idéal pour diffuser encore plus de désinformation.

 

Lectures utiles

Les cadres utilisés dans la diffusion de la désinformation :
Coan T.G., Boussalis C., Cook J. et Nanko M.O. (2021),
https://www.nature.com/articles/s41598-021-01714-4.epdf

Les processus cognitifs en cas de mise à l’agenda, du cadrage et de l’amorçage :
Weaver D.H. (2007),
https://www.researchgate.net/publication/227545146_Thoughts_on_Agenda_Setting_Framing_and_Priming

Le fonctionnement du cadrage :
Tversky A. et Kahneman D. (1981),
https://psych.hanover.edu/classes/Cognition/Papers/tversky81.pdf

Étude récente de l’ULB sur la persistance de la désinformation :
Van Raemdonck N. et Meyer T. (2022),
https://cris.vub.be/ws/portalfiles/portal/82250992/Van_Raemdonck_Meyer_Hybrid_Threats_of_Disinformation.pdf

Les cadres dominants dans la communication climatique :
Badullovich N., Grant W. J. et Colvin R. M. (2020),
https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aba4c7/pdf

Avertir à l’avance que certaines informations sont fausses en diminue la portée

Les recherches montrent que vous pouvez diminuer les effets de fausses informations qui créent ou confirment des biais cognitifs si vous : (1) avertissez à l’avance que les informations peuvent être biaisées ou incorrectes,(2) répétez ces avertissements à intervalles réguliers et (3) offrez une véritable alternative. On appelle cela le « prebunking ».

Cette tactique s'appuie sur la théorie de l'inoculation apparue au début des années 1960. Cette théorie fait une analogie avec la vaccination médicale, au cours de laquelle le patient produit des anticorps et devient par conséquent plus résistant. Ainsi, les médias peuvent par exemple relayer des histoires qui réfutent de manière préventive de courts éléments de désinformation. Cela peut aider le public à développer des sortes d’anticorps cérébraux qui vont leur permettre de détecter eux-mêmes la désinformation à l'avenir. En les avertissant à l’avance des manipulations autour de la négation du consensus scientifique, de la stratégie du lobby des énergies fossiles, du risque d'être aspirés dans une théorie du complot, on peut rendre les individus moins sensibles à la désinformation.

L'inoculation peut être considérée comme une forme « d'inoculation d'anticorps » contre des idées ou des comportements contagieux qui se propagent d'une personne à l'autre. Dans le contexte du réchauffement climatique, il peut s’agir par exemple de l’opinion selon laquelle il n’existe pas de consensus parmi les climatologues. Vous pouvez freiner l’épidémie en mettant par exemple en garde de façon préventive contre les théoriciens du complot dont la stratégie consiste consciemment à effrayer. En résumé, la résistance s’obtient en mettant en évidence de manière préventive les fausses allégations et en réfutant les contre-arguments potentiels.

La théorie de l’inoculation a déjà été testée avec succès dans le domaine de la santé et des campagnes politiques, et a été récemment étendue au contexte du changement climatique. D’après une première étude, il serait possible d’inoculer des attitudes publiques positives par rapport au degré de consensus scientifique afin de lutter contre la désinformation (influente), et cela aiderait à réduire le raisonnement motivé.

En pratique, les recherches suggèrent que, dans la mesure du possible, la communication d'un consensus scientifique sur le changement climatique causé par l'homme devrait s’accompagner d'informations visant à avertir le public que des acteurs aux intérêts politiques ou économiques tentent de compromettre les résultats scientifiques. Il est également utile d'informer sur la nature des campagnes de désinformation. Cela aide à réfuter la désinformation de façon préventive.

 

 Lectures utiles

Étude sur l’utilité du prebunking et l’application de la théorie de l’inoculation dans le contexte du changement climatique :
van der Linden S., Leiserowitz A., Rosenthal S. et Maibach E. (2017),
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/gch2.201600008

La base de la théorie de l’inoculation :
McGuire W.J. (1961), 
https://doi.org/10.1037/h0048344 (accès sur demande)

Le consensus scientifique comme fait

Les recherches montrent qu'il est important de mettre l'accent sur un consensus scientifique fort concernant le changement climatique. Dans un monde complexe et incertain, les individus font confiance à des sources crédibles (par exemple : les experts et les scientifiques). Plus que d'essayer de tout comprendre par eux-mêmes, les individus ont tendance à faire confiance au consensus social pour se former un jugement sur des questions sociopolitiques complexes.

Le Gateway Belief Model reflète cette idée. Ce modèle, développé récemment, suggère à quel point il est important de continuer à corriger la fausse croyance qu'il y a peu de consensus scientifique sur le changement climatique. Une recherche récemment menée aux États-Unis montre que communiquer sur des scientifiques du climat qui sont fortement d'accord sur le réchauffement climatique amène les individus à ajuster leurs propres croyances et à soutenir davantage l'action climatique.

Les individus font davantage confiance au jugement combiné de plusieurs experts, surtout s'il s'agit d'un simple fait. Dans le cas en question, 97 % des climatologues concluent que le réchauffement climatique est en cours, qu'il est causé par l’homme et qu'il est préoccupant. C'est précisément pourquoi ce fait est la cible de la désinformation afin de rejeter ce fait (scientifique) avec des arguments tels que « faux médias » ou « recherches également fondées sur des preuves scientifiques ». C'est pourquoi nous observons des tactiques courantes comme la diffamation pour discréditer les scientifiques. Dans les cas les plus extrêmes, cela conduit même à la diabolisation (les scientifiques sont comparés à des ennemis de la « liberté de l'humanité » par exemple). Une autre technique vise à généraliser des conclusions qui ne s’y prêtent pas par des statistiques, ou en citant en guise de preuve des témoignages d'experts (qu'ils soient ou non sortis de leur contexte).

Pour communiquer sur le climat dans un contexte de polarisation et de désinformation, il est important de comprendre comment les individus reçoivent, traitent et organisent les nouvelles informations, et au sein de quel environnement informationnel, ils forment leurs opinions. Le raisonnement motivé et le biais de confirmation indiquent que les individus traitent les informations de façon sélective et rejettent les preuves qui vont à l'encontre de leurs visions du monde, d'expériences passées et de croyances profondément ancrées. La thèse de la cognition culturelle souligne que la mise en place d'un consensus scientifique concernant le changement climatique menace d'accroître la polarisation.

Dans le même temps, des recherches récentes montrent que la communication sur le consensus scientifique influence favorablement la perception du public. Outre l'effet du messager, la communication d'un consensus scientifique déclenche également ce que l'on appelle la métacognition. Celle-ci consiste en une réflexion : « que dois-je faire ? », « que dois-je accomplir ? », « comment dois-je procéder (étape par étape) ? », « est-ce que je comprends tout ? » et « qu'est-ce que cela m’apprend ? ». Cela signifie que réduire l'écart entre la perception personnelle et ce que disent les scientifiques peut avoir un effet boule de neige positif sur les croyances et les comportements personnels.

 

Lectures utiles

Article sur le consensus scientifique concernant le changement climatique actuel causé par l’homme :
Cook J. et al. (2016), https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/11/4/048002/pdf

Sur l’importance de communiquer non seulement sur le consensus scientifique, mais aussi sur les inquiétudes publiques :
Hedahl M. et Rieder T.N. (2017), https://kiej.georgetown.edu/dont-feed-trolls-bold-climate-action-new-golden-age-denialism/

Article d’origine étayant le consensus scientifique :
Cook J. et al. (2013), https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/8/2/024024

Comment discuter du changement climatique avec des proches permet d’éveiller la curiosité sur le consensus scientifique révélant que le réchauffement de la terre est causé par l’homme :
Goldberg M.H., van der Linden S., Maibach E. et Leiserowitz A. (2019), https://www.pnas.org/doi/pdf/10.1073/pnas.1906589116

Le rôle de l’ancrage dans les jugements sur le consensus des experts :
Goldberg M.H. et al. (2019), https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jasp.12576 (article payant) 

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